14/08/2025 francesoir.fr  5min #287245

Washington dénonce la « détérioration » de la situation des droits humains en Europe dans son rapport

M.A.

D. Trump

NGAN AFP

Washington en remet une couche. Cette fois-ci, dans son rapport annuel sur les droits humains dans le monde. Les États-Unis ont dénoncé une dégradation de la liberté d'expression en Europe, notamment en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. Le rapport, mandaté par le Congrès sous l'administration Biden, vient confirmer les propos du vice-président J.D. Vance en février à Munich et suscite de vives réactions de la part de nombreux pays.

Lors de la Conférence sur la sécurité de Munich le 14 février 2025, J.D. Vance, vice-président des États-Unis, a prononcé un discours particulièrement critique à l'égard de l'Europe et de ses institutions. Selon lui, la véritable menace qui plane sur le continent n'était "ni la Russie ni la Chine", mais bien "le renoncement de l'Europe à certaines de ses valeurs les plus fondamentales". "Il ne faut pas avoir peur de son propre peuple, même quand il exprime une opinion qui n'est pas celle de ses dirigeants", a-t-il déclaré.

Il a dénoncé ce qu'il considère comme une dérive des démocraties européennes, citant l'annulation de l'élection présidentielle en Roumanie et des cas de restrictions à la liberté d'expression au Royaume-Uni et en Suède. Vance a fustigé les gouvernements européens pour leur usage de "mots laids comme désinformation", employés selon lui afin de "dissimuler de vieux intérêts qui ne veulent pas être remis en cause par des opinions divergentes".

Les pays européens en ligne de mire

Ses déclarations s'inscrivaient dans la continuité de la ligne adoptée par Donald Trump, qui n'a cessé de critiquer l'Europe, notamment son modèle économique, politique et ses élites, et ce bien avant son retour à la Maison Blanche. Trump avait déjà dénoncé le "parasitisme" européen, estimant que l'Union européenne "profite" des États-Unis et que ses institutions incarnent une bureaucratie jugée "nocive" et "anti-démocratique" à ses yeux.

Le rapport annuel de la diplomatie américaine sur les droits humains dans le monde pour l'année 2024, diffusé cette semaine, ne nuance pas ses propos. Bien au contraire. Le document, mandaté par le Congrès américain sous l'administration Biden puis modifié par le gouvernement Trump, regrette que "la situation des droits de l'homme se soient détériorée l'an dernier", aussi bien "en France, en Allemagne qu'au Royaume-Uni".

En France, "la situation des droits humains s'est détériorée en 2023. Des atteintes sérieuses incluent des restrictions à la liberté d'expression, avec recours ou menace de lois pénales ou civiles pour la limiter, ainsi que des crimes et menaces motivés par l'antisémitisme",  lit-on.

Rappelant que "la Constitution garantit la liberté d'expression et de la presse" mais "des limites existent", poursuit le rapport, qui cite certaines lois. En outre, "les procès souffrent de délais importants : environ trois ans entre l'inculpation et le jugement, avec 25,7 % de prévenus parmi les détenus". Washington signale aussi des actes antisémites qui "ont fortement augmenté" cette année-là.

Les reproches sont similaires pour l'Allemagne. Concernant le Royaume-Uni, Washington  évoque surtout la nouvelle loi sur la sécurité en ligne, qui contraint les réseaux sociaux à censurer les contenus.

Le Brésil et l'Afrique du Sud aussi dans le colimateur

Le rapport a aussi connu un lifting qui a suscité des réactions négatives. S'il est question de la liberté d'expression en premier lieu, le document oublie, à la remarque des médias, les parties liées à la corruption, les droits LGBTQ+ ou encore les violences contre les femmes.

La porte-parole du département d'État, Tammy Bruce, a expliqué le style du rapport, allégé de nombreux chapitres, par la nécessité de le rendre "plus lisible" et et "refléter les priorités et les valeurs du gouvernement en place". "Les rapports de cette année ont été simplifiés afin d'être plus utiles et accessibles sur le terrain par les partenaires, et afin de mieux répondre au mandat législatif sous-jacent tout en s'alignant sur les décrets de l'administration", explique-t-on.

Les critiques proviennent aussi bien de l'opposition démocrate que de certains pays concernés. De l'avis de certains, le rapport s'aligne sur les relations actuelles entre les États-Unis et ces États, non pas sur la situation des droits de l'Homme en 2023. Mardi, l'Afrique du Sud a dénoncé un récit "inexact et profondément erroné". Il s'agit notamment des propos de Donald Trump selon lesquelles Pretoria a "franchi une étape très inquiétante vers l'expropriation des Afrikaners".

Le Brésil subit le même ton sur le rapport et Washington y dénonce le fait que les tribunaux "ont pris des mesures excessives et disproportionnées pour porter atteinte à la liberté d'expression (…) et au débat démocratique en restreignant l'accès aux contenus en ligne jugés"nuisibles à la démocratie"". Le juge du Tribunal suprême fédéral brésilien Alexandre de Moraes est également cité, pour avoir ordonné la suspension de plus de 100 profils d'utilisateurs sur la plateforme X, "réprimant de manière disproportionnée l'expression des partisans de l'ancien président Jair Bolsonaro au lieu de prendre des mesures plus ciblées pour sanctionner les contenus incitants à une action illégale imminente ou au harcèlement".

À l'opposé, pour des pays comme le Salvador, dénoncé par des ONG pour sa lutte contre la criminalité et les gangs, le rapport dit ne pas avoir "d'informations crédibles faisant état d'abus significatifs des droits humains".

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